La fonction de Directeur Juridique : ses outils (2/3)

La fonction de Directeur Juridique : quels sont ses outils ?

Voici les 7 outils indispensables à la fonction de Directeur Juridique en 2021 :

1. Connaissances en finance

2. Connaissances en ressources humaines

3. Formation aux outils technologiques

4. Outils issus de la transformation digitale

5. Restructuration du département juridique

6. Externalisation des fonctions juridiques

7. Management de transition juridique

Les outils qu’a à sa disposition le Directeur Juridique fournissent les moyens d’un recentrage sur le cœur de métier ou « Core Business ».

Différentes ou semblables ? Voilà la question qui vient à l’esprit lorsque l’on compare la fonction de General Counsel au sein des entreprises américaines avec celle de Directeur Juridique français. Mais en France, reste à savoir quels sont les outils que le Directeur Juridique a à sa disposition pour faire évoluer sa fonction.
Depuis une trentaine d’années déjà, le General Counsel ne se limite plus à un rôle réactif de supervision des litiges confiés aux cabinets d’avocats mais fait partie des membres clés de l’équipe de direction de l’entreprise. Interlocuteur privilégié et conseiller stratège, il n’est plus un simple technicien juridique mais le détenteur de multiples expertises aussi bien en Géopolitique, qu’en Data Privacy et Compliance (Harvard Law Bulletin 2012).

En parallèle, la nature même des prestations attendues d’une direction juridique en France a encore évolué au cours de la dernière décennie, passant lentement d’une pratique réactive, coûteuse et à canal unique à un schéma recentré sur l’anticipation des besoins, proactif et multifournisseurs.
Une des références dans ce domaine est l’analyse « The Legal Department of the Future » réalisée par Deloitte en 2017 qui identifie certains facteurs clés (innovations technologiques, élargissement du champs des compétences et nouveaux modèles de prestation de services) nécessaires à la transformation du service juridique en une fonction qui génère de la valeur pour l’entreprise française.

Directeurs Juridiques : acquisition nécessaire de nouvelles compétences

Comme évoqué dans le premier article de notre série sur « La fonction de Directeur Juridique », de nombreuses formations ont vu le jour afin d’accompagner cette transformation et notamment un programme d’excellence : l’Executive Master General Counsel (EMGC) créé en 2016 par Sciences Po Executive Education et le Cercle Montesquieu. Ces formations ont pour vocation d’accompagner les Directeurs Juridiques dans l’acquisition de connaissances managériales et stratégiques.

Des connaissances plus poussées en finance

Si la formation universitaire des juristes est une formation solide, l’acquisition de bases en finance ou en comptabilité fait bien souvent défaut. Il est, de façon évidente, nécessaire que le Directeur Juridique soit au fait de certaines logiques financières, comptables et fiscales et les comprenne pour pouvoir faire partie du processus décisionnel et mieux cerner les enjeux stratégiques de son entreprise.

Des connaissances plus poussées en ressources humaines

Le Directeur Juridique doit également traiter de délicates questions de ressources humaines (RH). Il doit savoir attirer les talents dans son équipe et retenir les meilleurs profils. Autrement dit, il doit rendre la fonction attractive. Cela implique d’élaborer une véritable politique de gestion des carrières pour les juristes en leur offrant une perspective d’évolution. L’entreprise doit également faciliter la mobilité des juristes (mobilité intra groupe, mobilité internationale, possibilité d’évolution vers des fonctions extra juridiques) et leur développement professionnel, notamment par la mise en place de plans de formation personnalisés. Pour tout cela, le Directeur Juridique devra décliner la marque employeur du groupe à son niveau.

Formation aux outils technologiques

Les bouleversements technologiques présentent un enjeu de taille puisqu’ils affectent toutes les fonctions support y compris les ressources humaines, la finance et les services juridiques.

La digitalisation étant un objectif crucial de nombreuses entreprises, les directions juridiques doivent également se former aux nouveaux outils mis en place afin de les appréhender correctement.

Parmi ces changements, on compte notamment l’automatisation, l’intelligence artificielle et l’analyse prédictive des zones d’exposition aux risques, autant de chantiers qui façonnent le service juridique de l’avenir.

Les outils issus de la transformation digitale

 La réflexion est déjà très avancée dans certains Think Tanks. Par exemple, la Factory du Cercle, initiative du Cercle Montesquieu, a été créée en 2018 afin d’apporter une aide précieuse à la transformation digitale des directions juridiques de ses membres. Elle a pour but notamment de « fédérer les initiatives existantes et de favoriser un écosystème vertueux entre les différents acteurs de la transformation digitale des directions juridiques ».

Une « Étude sur la digitalisation des directions juridiques », a été réalisée en 2018 par le Cercle Montesquieu en association avec CMS Francis Lefebvre Avocats et Day one afin de dresser un état des lieux réaliste et d’apporter des pistes de réflexion. 98 sociétés ont répondu à un questionnaire en ligne et 57 % des personnes physiques interrogées occupaient la fonction de Directeur Juridique Groupe. Les répondants n’ont pas de doutes sur le fait qu’une transformation digitale est nécessaire mais ils considèrent que le résultat actuel des moyens mis en œuvre n’est pas encore satisfaisant (attribution d’une note moyenne de 5,1 sur 10). Un Webinar dispensé par la Factory du Cercle le 31 mars 2020 a présenté l’année 2020 comme « l’année charnière de la digitalisation des directions juridiques ».

40 % des participants mettent en avant un réel besoin de mesurer le bénéfice de ce changement de méthode. Somme toute, les utilisateurs attendent de voir un retour sur investissement tangible. L’étude réalisée a notamment fait ressortir que 80 % des directions juridiques ne disposent pas d’un budget dédié à la digitalisation. Il faut par ailleurs distinguer, au sein du budget alloué, ce qui relève de dépenses ponctuelles ou de dépenses récurrentes annuelles dont il faudra assumer la charge sur une période longue.

Comme nous l’avions développé dans notre article sur « Le défi de la digitalisation », il convient au préalable d’opérer un état des lieux en évaluant les dispositifs existants et en se posant les bonnes questions pour établir les besoins du département juridique. Les trois domaines fortement impactés par la digitalisation sont dans l’ordre : la gestion électronique des documents (GED), la gestion contractuelle et le suivi des sociétés.

En donnant accès facilement aux informations et aux documents, la digitalisation a aussi des impacts sur l’activité de nombreux départements de la direction juridique (contentieux, immobilier, achats…). Ainsi par exemple, l’équipe contentieux verra son efficacité augmenter grâce à ces technologies.

Des outils comme la signature électronique ont facilité une totale dématérialisation de la documentation permettant ainsi une meilleure gestion. Ces solutions innovantes fournissent également des plateformes qui selon la formule choisie génèrent des contrats simples. La question s’est posée de savoir si les LegalTech avaient vocation à remplacer les juristes et les avocats… Pour l’instant, comme il fallait évidemment le penser, ces solutions ont surtout permis aux juristes et aux avocats d’être plus productifs et de se recentrer sur le Core Business et même, grâce à ces gains de productivité, de se déployer sur d’autres domaines.

Direction juridique : moins de coûts fixes, plus de coûts variables

La direction juridique est aujourd’hui considérée comme une véritable Business Unit. Elle a donc dû s’adapter à des contraintes de coûts aussi strictes que pour les autres, tout en restant fidèle à la qualité de ses avis. La direction juridique fait ainsi face à de nouveaux challenges : plus de domaines, plus de sujets, plus de questions, et des réponses toujours plus précises, dans un temps toujours plus court et pour corser le tout, à moindre coût. Dans un contexte d’inflation réglementaire et législative, le département juridique doit être sur tous les fronts mais avec un nombre proportionnellement de plus en plus limité de juristes dans ses équipes.

Cette logique de restriction budgétaire et de productivité amène obligatoirement la direction juridique à diminuer ses coûts fixes tout en jouant sur les coûts variables. La solution s’impose d’elle-même : consentir à des équipes plus restreintes mais s’entourer, de façon ponctuelle, d’hyper experts, réduire le coût de fonctionnement permanent afin de dégager des budgets pour les besoins hors normes. Le Directeur Juridique recherche ainsi constamment des ressources à moindre coût, avec notamment l’externalisation des processus juridiques les plus simples, le recours toujours plus stratégique et ciblé à des cabinets d’avocats extérieurs pour les questions juridiques plus spécialisées ainsi qu’à des managers de transition pour des missions critiques ponctuelles.

Directions juridiques : recours à l'externalisation

Au sein des entreprises, le recours à l’externalisation a d’abord touché d’autres départements, notamment les ressources humaines, et s’est peu à peu étendu au reste des services et plus récemment au juridique.

Même si les départements juridiques bénéficient désormais d’une certaine reconnaissance, on l’a vu, ils subissent néanmoins une pression constante puisque soumis à deux injonctions contradictoires : course à la performance et réduction des coûts.

Afin de gérer cette délicate équation, ils n’ont pas d’autre choix que de se recentrer sur le « Core Business » de leur entreprise et de confier à des ressources externes les tâches à moindre valeur ajoutée. En effet, l’organisation du département doit être ajustée au plus près des besoins de la structure. La taille du département juridique doit être optimisée par la recherche d’un équilibre entre la part de travail effectuée en interne et la part pouvant être sous-traitée à l’extérieur. Cette meilleure gestion des ressources octroiera au Directeur Juridique une plus grande latitude pour concentrer son attention sur les décisions stratégiques de l’entreprise.

L'outil de la restructuration du département juridique

Préalablement au recours à l’externalisation pure et simple de missions juridiques, certaines entreprises ont délesté leur département juridique de quelques activités en créant de nouvelles fonctions internes.

D’une part, des équipes de Legal Operations ont été mises en place afin de gérer notamment les retours de contrats, avenants et autres modifications pouvant être traités de façon automatisée avec un maximum de process.

D’autre part, certains postes sont apparus dont principalement les Contract Managers en charge de la négociation et de la gestion de certains contrats. Il s’agit en général d’assister les commerciaux sur le terrain dans les négociations longues ou complexes, souvent internationales, en s’appuyant néanmoins sur des contrats-type préparés par la direction juridique.

L’émergence de ces fonctions a permis aux directions juridiques centrales de se recentrer sur la création de normes et l’anticipation des risques.

L'outil de l'externalisation des fonctions juridiques

L’externalisation des fonctions juridiques ou Legal Process Outsourcing (LPO) a touché sur les dernières années certaines missions traditionnellement supervisées par la direction juridique de l’entreprise comme les contentieux, le recouvrement de créances ou encore les contrats simples. Des services fournis par des juristes francophones à l’étranger ont par exemple vu le jour dans des pays comme Israël ou l’île Maurice. Cette externalisation, que certains qualifient de « nearshore ou offshore » en fonction de la localisation des services, a permis aux entreprises françaises de bénéficier de services juridiques externes de qualité tout en opérant une réduction drastique des coûts. Cette sous-traitance s’opère majoritairement sur des missions à faible/moyenne valeur ajoutée pour l’entreprise.

Dans le même ordre d’idées, l’apparition de directions juridiques complètement externalisées (DJE) est très utile notamment pour les PME. L’externalisation devient un outil privilégié lorsque l’entreprise n’a pas la taille ni des besoins justifiant l’embauche d’un salarié à plein temps. Elle est également intéressante pour les départements juridiques de grands groupes lorsqu’elle répond à un besoin ponctuel de remplacement ou pour une mission donnée demandant une expertise particulière.

Le management de transition juridique comme outil

Contrairement à l’externalisation, le management de transition est l’internalisation d’une mission réalisée par un externe. Autrement dit, le service juridique bénéficie des compétences d’un manager externe à son organisation pour une mission donnée. La formule illustre à plein le principe « moins de coûts fixes et plus de coûts variables en cas de besoin spécifique ». Or le manque cruel d’une compétence essentielle est un cas hors normes, rare, imprévisible, mais qui doit être couvert par une solution fiable et immédiate.

Déjà avant la crise de la Covid-19, face aux nouveaux défis qui attendaient le Directeur Juridique, les outils à sa disposition étaient nombreux.

Mais la crise de la Covid-19 a tout chamboulé et mis les entreprises au pied du mur sur certains sujets et notamment la digitalisation. Certaines start-ups proposant des solutions technologiques aux départements juridiques, notamment sur la possibilité de signature électronique, ont vu leur nombre de clients « bondir de 271 % » par rapport à 2019.

Avec la crise de 2020, les solutions techniques utilisant l’intelligence artificielle sont de plus en plus plébiscitées en 2021 et le changement drastique des méthodes d’organisation du travail est en train de façonner le Directeur Juridique de demain en cadre connecté et agile. Ce sera l’objet de notre prochain article.

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Les 7 outils indispensables à la fonction de Directeur Juridique en 2021 :
1. Connaissances en finance - 2. Connaissances en ressources humaines - 3. Formation aux outils technologiques - 4. Outils issus de la transformation digitale - 5. Restructuration du département juridique - 6. Externalisation des fonctions juridiques - 7. Management de transition juridique

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Rédaction sous la supervision d'Arnaud DESCLÈVES
16 décembre 2020